Bilan et perspectives du SIGI misant sur une gouvernance humaine et robuste
Interview avec le Président et le Vice-Président
Avec cette édition spéciale, le Bureau et la Commission de redressement souhaitent vous informer des derniers développements au sein du Syndicat Intercommunal de Gestion Informatique (ci-après « SIGI »).
Depuis le mois d’avril à la tête du SIGI en tant que président et vice-président, Philippe Meyers et Guy Breden, font la rétrospective des derniers mois.
De gauche à droite : Luc Feller, Guy Breden, Philippe Meyers, Josiane Di Bartholomeo-Ries, Marc Ries
Les absents sur la photo : Frazer Alexander, Alex Donnersbach, Serge Thein, Claude Thill, André Zwally
Le SIGI a beaucoup fait la une des journaux, comment vous êtes-vous sorti de cette période difficile ?
Philippe Meyers : Les conclusions des trois rapports d’experts ont eu l’effet d’une sonnette d’alarme pour l’ensemble des membres du Comité. Cela nous a permis de poser des questions pertinentes, ciblées et d’exiger plus de transparence, que ce soit en matière de gestion des ressources humaines, de gouvernance générale ou de politique budgétaire.
Ces rapports ont donc enfin apporté des réponses aux interrogations qui persistaient depuis un certain temps sur la composition et l’utilisation du budget et la gestion financière du SIGI, le pourquoi du taux de rotation élevé du personnel et l’insatisfaction générale des clients. L’ampleur de cette insatisfaction, avec un taux de 47% d’utilisateurs insatisfaits à l’égard des approches de travail et des solutions du SIGI, a pris tout le monde de court. Il était clair que le SIGI avait besoin d’une professionnalisation de ses méthodes de travail en mettant le client au centre de mire.
Guy Breden : Un plan de redressement pluriannuel a été élaboré pour répondre aux défis identifiés par les trois rapports d’analyse. La Commission de redressement, constituée de Alex Donnersbach, de Frazer Alexander et de Serge Thein, a été mise en place par le Comité et s’est substituée au groupe de travail chargé de superviser le processus des analyses. Elle a travaillé en étroite collaboration avec le Bureau pour préparer les décisions stratégiques nécessaires à assurer la pérennité du SIGI, que le Comité du SIGI a validées, notamment l’implémentation de notre plan de redressement et l’instauration d’une Commission micro-informatique nouant le contact avec les communes.
Au cours des neuf derniers mois, une phase de transition significative a été initiée, et elle prendra fin début janvier avec la prise de fonction du nouvel attaché à la direction. Pendant ces mois, nous avons intensifié nos efforts de communication, renforcé la participation du personnel et veillé à ce que nos clients disposent d’un interlocuteur dédié. Le processus de recrutement pour constituer cette nouvelle équipe de gestion a été abordé avec rigueur sur le plan méthodologique et déontologique au moyen d’un « assessment centre » impliquant l’ensemble des membres du Bureau et de la Commission de Redressement comme assesseurs.
Les nouvelles recrues bénéficient de surcroît d’un « onboarding » professionnel. Une fois cette étape franchie, nous pourrons réduire notre implication au niveau opérationnel, déléguant ainsi la gestion quotidienne du SIGI à ce nouvel attaché à la direction en s’appuyant sur une gouvernance robuste préalablement définie.
Pourquoi vous êtes-vous intéressés aux postes de président et de vice-président ? Vous appartenez à deux partis politiques différents. Dans quelle mesure la politique joue-t-elle un rôle au sein du Bureau ?
Philippe Meyers : Lors des réunions du Comité, notre insatisfaction était palpable depuis un certain temps. Guy et moi, n’ont jamais hésité à exprimer nos préoccupations, et lorsque l’occasion s’est présentée de prendre des responsabilités, nous avons saisi l’opportunité. Ma relation avec Guy remonte à de nombreuses années, et nous avons souvent échangé au sujet du SIGI avec d’autres membres du Comité. Nous venons tous les deux du domaine de l’informatique. Bien que nous soyons affiliés à différents partis politiques, cela n’a jamais été un obstacle, tout au contraire. Notre intérêt pour le SIGI et l’informatique a toujours pris le dessus.
Guy Breden : Nous travaillons tous les deux pour les deux plus grandes communes du pays : Philippe pour la commune d’Esch-sur-Alzette, et moi pour la Ville de Luxembourg. Le SIGI collabore étroitement avec des bourgmestres, des échevins, des conseillers communaux de 99 communes et avec différents ministres, tous issus de partis différents. Ce qui prime avant tout dans un tel contexte, c’est une collaboration fructueuse. La politique politicienne n’a pas de place ici. La collaboration et l’intérêt pour le sujet ont toujours été plus importants pour nous que toute considération politique. Ma motivation principale, c’est l’ambition de contribuer à la modernisation du syndicat et des communes membres.
Depuis les rapports d’experts, comment la méthode de travail du Bureau a-t-elle évoluée ?
Philippe Meyers : Nous avons opté de valoriser la diversité, la spécialisation et l’amélioration des processus décisionnels au sein du Bureau. Nous avons redistribué les tâches au sein du Bureau en fonction des compétences professionnelles, par exemple Josiane Di Bartholomeo-Ries, Marc Ries et Serge Thein sont responsables de tout ce qui relève de l’immobilier, André Zwally s’est chargé des questions de la gestion du personnel, Frazer Alexander supportait la revue du fonctionnement administratif, Luc Feller et Alex Donnersbach s’occupent des aspects légaux, Guy et moi, nous sommes responsables de l’informatique et Pierre Mangers (MANGHINI Consulting), en tant qu’expert externe, nous a aidés à assurer la coordination globale de l’ensemble des chantiers de modernisation.
Guy Breden : Cette approche nous a offert la possibilité d’améliorer nos processus décisionnels et d’approfondir notre expertise technique. Elle favorise également la solidarité entre les membres du Bureau, renforçant ainsi notre unité en tant qu’équipe soudée.
Sur quelle stratégie, le Bureau veut-il miser à l’avenir ?
Philippe Meyers : La transparence reste au cœur de nos préoccupations à tous les niveaux. C’est pourquoi, pour la première fois dans l’histoire du SIGI, le Bureau a inclu, avec la documentation du budget initial de 2024, une présentation détaillée des axes stratégiques et des priorités politiques. Le but était de fournir une vision explicite de nos intentions concernant l’utilisation de ce budget avant sa soumission au vote du Comité.
Guy Breden : Le budget a d’ailleurs été voté à l’unanimité et nous avons pu engager un dialogue nourri avec nos bailleurs de fonds. Cette transparence permet de faciliter les échanges, et de garantir un fonctionnement efficace de notre syndicat, ainsi qu’une maîtrise budgétaire. Au niveau du personnel, en accord avec les conclusions du rapport de l’analyse sur le fonctionnement du SIGI, nous avons commencé à internaliser au moyen d’une méthodologie précise certains consultants externes. L’objectif est de renforcer davantage notre expertise interne et d’atteindre un ratio de 80% de personnel interne et 20% externe tout en supprimant des dépenses qualifiées comme superflues (p.ex. Roadshows du SIGI).
Philippe Meyers : En ce qui concerne la satisfaction client, il est important qu’à l’avenir les communes n’aient qu’un seul interlocuteur faisant le suivi des dossiers. Nous souhaitons créer un nouveau département pour renforcer le « Customer Care », le service auprès des clients. Chaque commune se verra attribuer une personne de contact dédiée au sein de notre service Relation Client, dans une approche de « Key Account Manager » qui évalue de façon systématique si les besoins exprimés par les clients ont été atteints avec succès.
Guy Breden : Une autre priorité est celle de renforcer la collaboration avec des partenaires externes : MyGuichet, le CTIE et les ministères et administrations, afin d’identifier des synergies tangibles. À titre d’exemple, à terme nous souhaitons au fur et à mesure substituer la plateforme MaCommune pour intégrer les fonctionnalités dans MyGuichet, afin de simplifier l’accès des citoyens et des communes membres sur une plateforme unique et d’améliorer l’expérience d’utilisation.
Qu’est-ce qui a retenu votre attention dans l’accord de coalition du nouveau gouvernement ?
Philippe Meyers : Le Gouvernement a l’intention de mettre en place une stratégie de numérisation globale pour tous les ministères, administrations et communes, incluant une analyse des besoins spécifiques et une feuille de route pour chaque entité. Notre objectif est de faciliter et d’accélérer les démarches comme le permis de construire numérique. Cela assure une collaboration fluide et efficace entre les administrations communales et les ministères. La création de synergies concrètes entre le CTIE et le SIGI figure même dans l’accord de coalition. Début octobre 2023, nos premières réunions avec le CTIE ont eu lieu et des collaborations ont déjà été entamées.
Guy Breden : L’adoption de la signature électronique dans les administrations communales, la promotion de la facturation électronique, la sécurisation des infrastructures TIC, ainsi que le soutien de l’extension de eMINT pour améliorer la collaboration entre les communes ainsi que les ministères et administrations sont des sujets qui sont considérés par le nouveau gouvernement comme une priorité très élevée. Nous œuvrons tous dans la même direction, celle d’offrir aux citoyens et aux communes la meilleure accessibilité des services et produits numériques possibles.
Quel a été le plus grand défi lorsque vous avez pris le poste de président et de vice-président ?
Philippe Meyers : Gérer un syndicat en l’absence d’une équipe de direction présente évidemment un défi significatif. Ceci a requis une approche innovante et une collaboration accrue au sein des équipes à tous les niveaux organisationnels. Le personnel du SIGI a contribué avec toutes leurs compétences et leur expertise à une multitude de projets et ils ont fait preuve d’une grande adaptabilité dont nous les remercions.
Guy Breden : Au début, il était important de faire connaissance avec les responsables des Centres de Compétences (ci-après « CdC ») et gagner la confiance des collaborateurs. Le renforcement de la cohésion d’équipe était un objectif majeur. Pendant cette phase, un Comité de transition a été mis en place en interne avec des experts internes qui ont suivi les thèmes techniques. Des réunions régulières ont été organisées avec le Comité de transition. Celles-ci ont favorisé la collaboration, le partage d’idées et la résolution collective de problèmes tout en permettant de maintenir une dynamique positive au sein du SIGI.
Comment avez-vous pu regagner la confiance des gens et quelle était l’ambiance de travail ?
Guy Breden : Nous avons nourri un dialogue soutenu avec les différents services et écouté leurs préoccupations. Historiquement, il n’était pas habituel que le personnel interagisse directement avec les responsables politiques, mais cette nouvelle approche nous a permis de comprendre les problématiques accumulées au fil du temps, que nous avons prises en considération de manière proactive. Nous sommes maintenant confiants d’avoir pu confier la gestion du personnel à la nouvelle Responsable RH, entrée en fonction le 1er décembre 2023, et nous la soutenons dans ce rôle éminent. Le personnel a désormais à nouveau une personne de confiance et de proximité à qui s’adresser directement, plutôt que de passer par le président ou le vice-président.
Philippe Meyers : Nous avons été régulièrement en contact avec les délégations du personnel et nous avons tenu compte de leurs avis dans nos décisions, concernant, par exemple, le sujet du « Télétravail ». Toutefois, toute décision est révocable si le cadre légal et règlementaire et le besoin d’affectation du personnel changent.
La communication des décisions les plus importantes a été maintenue par le biais de communiqués internes. Nous avons également organisé un « Lëtz Meet », une rencontre informelle et festive entre le personnel et le Bureau pour mettre en valeur les accomplissements individuels et collectifs des derniers mois, et renseigner le personnel sur les derniers développements organisationnels et techniques.
Guy Breden : D’un point de vue général, c’était agréable de voir à quel point le personnel est motivé.
Comment avez-vous travaillé avec les communes membres pour regagner leur confiance ?
Guy Breden : Le SIGI a mis l’accent sur le cœur de métier des communes. Nous avons tout spécialement créé une Commission micro-informatique, une plateforme de synergies pour améliorer les services informatiques des communes membres. Elle est actuellement composée par 28 ambassadeurs informatiques. Sa mission principale est de créer des synergies pour soutenir au mieux le SIGI à répondre aux réels besoins des communes à travers une coopération constructive. Les responsables informatiques des communes qui le souhaitaient ont pu participer.
Philippe Meyers : Nous avons prévu d’inviter le président et les deux vice-présidents de la Commission micro-informatique, Mike Braconnier, respectivement Marc Bettendorff et Christophe Meyers, au Bureau à des intervalles réguliers pour présenter les propositions et les résultats de ce nouveau forum consultatif.
Quelle est votre vision à long terme pour le SIGI ?
Philippe Meyers : Le SIGI doit enfin occuper la place qui lui revient dans la modernisation du fonctionnement administratif en jouant la carte des synergies intelligentes avec le CTIE et la Ville de Luxembourg, dans l’intérêt de répondre de façon efficiente aux besoins exprimés par tous nos clients : les communes, les syndicats, les ministères, les offices sociaux et les crèches.
Guy Breden : Nous voulons contribuer à faire du SIGI un acteur majeur de la digitalisation des communes et de ne pas nous limiter aux villes intelligentes (« smart city ») mais de devenir une « smart nation ».